3.9. Objets initiaux et finaux

Dans toute catégorie, un objet X est appelé un objet initial si tous les Mor(X,Y) sont des singletons. Les objets isomorphes ayant toutes les mêmes propriétés, voici une petite réciproque : 2 objets initiaux sont toujours isomorphes, par un unique isomorphisme (les objets initiaux forment donc une seule classe d'isomorphisme ou aucune): Par cet unique isomorphisme, X et Y peuvent être traités comme identiques l'un à l'autre. On dit qu'un objet initial est essentiellement unique.
De même par dualité, un objet X est appelé un objet final si tous les Mor(Y,X)) sont des singletons.
Par exemple, dans toute catégorie de systèmes relationnels de langage donné où toute classe d'isomorphisme de systèmes possibles est répresentée : Exercice. Pour deux ensembles fixés K et B, considérons la catégorie où A-t-il un objet initial ? un objet final ?

Oeufs

(Ce concept est nommé élément universel dans la littérature; le nom d'oeuf va bien avec celui de clone.)

Généralisant le concept d'élément régulier, appelons oeuf d'une catégorie agissante Cα, tout (M,e) où M est un objet et eMα, tels que

CE, (Mor(M,E) ∋ ffα(e)) : E(M)Eα.

De manière équivalente, un œuf est un objet initial de la catégorie des éléments de Cα De même, un co-œuf d'une catégorie co-agissante Cβ est un œuf de la catégorie agissante opposée, donc un objet final de sa catégorie de co-éléments (E,x) où xEβ et Mor((E,x),(F,y)) = {f∈Mor(E,F) | fβ(y) = x}.
Encore une fois, une action (resp. co-action) sera dite régulière si elle comporte un œuf (resp. un co-œuf) ; on l'appelle représentable ailleurs dans la littérature.

Si (M,e) est un oeuf de Cα alors (Mα,e) est un oeuf de |Cα|.
Pour tout objet M d'une catégorie C, (M, 1M) est un œuf de C(M). et un co-oeuf de C(M).

Dans la littérature (wikipedia), la catégorie des éléments d'un C(M) est notée M/C, tandis que la catégorie des co-éléments d'un C(M) est notée C/M.

Le lemme de Yoneda s'exprime suivant nos conventions comme suit : si (M,x) est un (co-)oeuf d'une (co-)action α d'une categorie C, alors (α,x) est un oeuf de l'action sur M de la méta-catégorie de toutes les (co-)actions de C.
Précisément, pour tout objet M, toute action β de C et tout xMβ, l'unique méta-morphisme ϕ de C(M) vers Cβ tel que ϕM(1M) = x se définit par

CE, ∀yE(M), ϕE(y) = yβ(x)

Preuve de (méta-morphisme ⇒ formule de définition): ϕE(y) = ϕE(y∘1M) = yβM(1M)) = yβ(x).
La preuve de la réciproque est aussi facile et laissée au lecteur.
Si (M,x) est un oeuf, cela donne un méta-isomorphisme (comme tout morphisme bijectif entre algèbres est un isomorphisme).∎

Evidemment, l'image de ϕ est la trajectoire de x dans Cβ.

Exercice. Considérer la catégorie des ensembles et leurs fonctions agissant par images directes sur les ensembles des parties de ses objets (Set). A-t-elle un oeuf ?
De même, considérer sa co-action sur ces ensembles des parties par préimages (Set). A-t-elle un co-oeuf ?
Indication : utiliser les nombres d'éléments des ensembles finis en jeu.

Sous-objets conçus comme sous-co-actions

Tout f∈Mor(E,F) définit par composition un méta-morphisme f(C) de C(E) vers C(F), qui est injectif précisément quand f est monique.
Toute présentation (E,f) d'un sous-objet de F est aussi un co-oeuf de la sous-co-action Im f(C) de C(F).
Inversement, toute sous-co-action de C(F) ayant un co-oeuf (E,f) est la trajectoire de (E,f) et est méta-isomorphique à C(E) par f(C), et f est monique de E vers F.
Ainsi, la notion de sous-objet de F peut se re-définir comme désignant une sous-co-action régulière de C(F), dont les co-oeufs sont ses présentations. Ainsi conçu, il devient strictement indépendant du choix d'une présentation (mais ontologiquement plus coûteux).

Diverses opérations impliquant généralement des sous-ensembles, telles que les images directes et les préimages par morphismes, peuvent être étendues aux sous-objets, en les appliquant littéralement à des sous-co-actions, puis en présentant la sous-co-action résultante comme un sous-objet si elle est régulière. Cette condition de régularité est souvent valable selon la catégorie, et peut être vérifiée dans divers types de catégories, notamment les catégories de systèmes, en décrivant explicitement le résultat comme un sous-système.
Cela fonctionne notamment ainsi pour l'operation de préimage.

En appliquant strictement cette méthode, l'image directe d'un sous-objet de E de présentation (X,u) par un f∈Mor(E,F), serait donnée par la trajectoire Im fu(C) de (X,fu) dans C(F), et donc présenté par fu s'il est monique. En particulier, cela est vrai lorsque f est lui-même monique.
Cependant, de nombreuses catégories de systèmes ont une construction d'images directes de sous-systèmes qui reste naturellement applicable même lorsque cette trajectoire image ne se trouve pas régulière (un exemple simple peut être trouvé dans la catégorie des systèmes relationnels à 2 symboles de relation unaire). Une telle image directe peut encore être caractérisée en termes de catégories pures, comme le sous-objet engendré par fu, à savoir la plus petite sous-co-action régulière qui le contient.

Plongements dans les catégories concrètes

Les concepts de plongement et pré-plongement ayant été introduits pour les catégories de systèmes relationnels, généralisons les à toute catégorie concrète C.
Un morphisme f ∈ Mor(E,F) sera appelé un pré-plongement si

CX, Mor(X,E) = {gEX | fg ∈ Mor(X,F)}

Cette formule implique en fait f∈Mor(E,F).

Autrement dit, alors que f∈Mor(E,F) fait de (E, IdE) un élément de la co-action donnant à chaque X l'ensemble {gEX | fg ∈ Mor(X,F)} (sous-co-action de CE), f est un pré-plongement lorsque (E, IdE) est générateur et donc aussi co-oeuf de cette co-action.

Alors, un plongement est un pré-plongement injectif, à savoir un f : EF tel que, de façon équivalente

CX, Mor(X,E) = {f -1h | h ∈ Mor(X,F) ∧ Im h ⊂ Im f}
CX, {h ∈ Mor(X,F) | Im h ⊂ Im f} = {fg | g∈Mor(X,E)}

Introduisons un concept proche. Toute partie fixe AF définit une sous-co-action C(A) de C(F) par

CX, X(A) = {gX(F) | Im gA}

Appelons alors quasi-plongement tout f∈Mor(E,F) tel que (E,f) est un co-œuf d'un quelconque C(A) et donc aussi de C(Im f) :

CX, ∀g∈Mor(X,F), Im g ⊂ Im f ⇒ ∃!ϕ∈Mor(X,E), f ⚬ ϕ = g

(L'injectivité de f implique un côté de cette condition: ∀g∈Mor(X,F), !ϕ∈Mor(X,E), f ⚬ ϕ = g)
Dans les catégories concrètes les plus utiles, tous les quasi-plongements seront des plongements; des exceptions sont faciles à trouver dans d'autres catégories conçues pour cela.

Dépendances entre propriétés des morphismes

Les diverses propriétés d'un morphisme f∈Mor(E,F) sont liées comme suit.
  1. Si Im fAF alors
    ((E,f) est un co-œuf de C(A)) ⇔ (f est un quasi-plongement et ∀g∈Mor(E,F), Im gA ⇒ Im g ⊂ Im f)
  2. Injection ⇒ (pré-plongement ⇔ quasi-plongement)
  3. Quasi-plongement ⇒ Monomorphisme
  4. (Monomorphisme ∧ pré-plongement) ⇒ injection
  5. Section ⇒ Plongement
Preuves.
  1. xE, ϕ = (Ey ↦ (f(y) = f(x) ? x : y)) ⇒ f ⚬ ϕ = f ⇒ (ϕ ∈ End E ∴ ϕ = IdE).
  2. h∈Mor(F,E), hf = 1E ∴ ∀gEX, fg ∈ Mor(X,F) ⇒ g = hfg ∈ Mor(X,E).∎
Soit f∈Mor(E,F) un quasi-plongement. S'il existe un pré-plongement g∈Mor(X,F) de même image Im g = Im f = AF et ACA est vrai alors f est un plongement.

Preuve.

Un sous-objet (X,u) de E sera qualifié de plongé (resp. quasi-plongé) si u est un plongement (resp. un quasi-plongement) de X vers E. Cela ne dépend pas du choix de présentation d'un sous-objet donné.

Si une partie A d'un objet F est l'image d'un plongement f∈Mor(E,F), cela donne à A le statut de sous-objet plongé (A, IdA) ≡ (E,f). (Pour un quasi-plongement on peut faire de même avec une copie de E attachée à A et conçue comme indépendante de E).
Alors pour tout objet X, on peut définir Mor(X,A) à partir de Mor(X,F) directement comme X(A), tandis que Mor(A,X) n'est défini directement à partir de Mor(F,X) que si f est une section, comme {g|A | g∈Mor(F,X)}.

Egaliseurs

L'égaliseur Eq(f, g) ⊂ E de deux fonctions f,g de domaine E, a été défini en 3.3; il s'est avéré être une sous-algèbre lorsque f,g sont des morphismes dans une catégorie d'algèbres.
Le concept plus général d'égaliseur Eq(f, g) de f,g∈Mor(E,F) dans toute categorie C, désigne le sous-objet de E défini par la sous-co-action C(f=g) de C(E)

CX, X(f=g) = {hX(E) | fh = gh}

(si elle est régulière; c'est de toute manière une sous-co-action par stabilité des égaliseurs)
Dans toute catégorie concrète, tous les égaliseurs sont des sous-objets quasi-plongés, comme X(f=g) = X(Eq(f, g)) où Eq(f, g) ⊂ E est l'égaliseur des fonctions f, g dans la catégorie des ensembles.

Toute section f∈Mor(E,F) est un égaliseur: si g∈Mor(F,E) et gf = 1E alors f est un égaliseur de (1F, fg).

Sous-modules

Pour tout b∈Mor(X,Y), appelons b-sous-module d'un objet F, tout sous-objet (E,f) de F tel que E est un b-module.
De façon équivalente,

h∈Mor(X,E), ∃!j∈Mor(Y,E), fjb = fh

Si F est lui-même un b-module, ∃!g∈Mor(Y,F), gb = fh et la condition de sous-module devient équivalente à chacune des suivantes
  1. k∈ Im f(X), ∃g∈ Im f(Y), gb = k
  2. g∈Mor(Y,F), gb∈ Im f(X)g∈Im f(Y)
C'est une condition de stabilité sur Im f(C), à savoir b(F)-1[Im f(X)] ⊂ Im f(Y).

Même si F n'est pas un b-module, la formule 2. (qui perd son équivalence avec les autres conditions) reste une condition de stabilité sur Im f(C), à savoir par la transposée de Gr b(F).
Elle est assurée en particulier si b est épique et f est un égaliseur (précisément, lorsque f est un égaliseur d'une paire dans Mor(F,G) et b(G) : Y(G)X(G)).
Appliquons ce concept de stabilité au cas de sous-objets quasi-plongés dans une catégorie concrète: une partie A d'un objet F sera dite b-stable si b(F)⋆(X(A)) ⊂ Y(A), ou plus explicitement

g∈Mor(Y,F), Im gbA ⇒ Im gA

En particulier: Pour tout b-module F et f∈ Mor(E,F),
  1. Si f est un pré-plongement et b est bijective alors E est un b-module;
  2. Si f est un quasi-plongement et Im f est b-stable alors (E,f) est un b-sous-module.
Preuves:
  1. u∈Mor(X,E), fub-1 ∈ Mor(Y,F) ∴ ub-1∈Mor(Y,E).
  2. u∈Mor(X,E), (∃!g∈Mor(Y,F), gb = fu ∴ Im g ⊂ Im f)
    ∴ (∃!h∈Mor(Y,E), fhb = fu) ∴ (∃!h∈Mor(Y,E), hb = u).∎

Théorie des ensembles et fondements des mathématiques
1. Premiers fondements des mathématiques
2. Théorie des ensembles
3. Algèbre
4. Arithmetic and first-order foundations
5. Second-order foundations
6. Foundations of Geometry

Other languages:
EN : 3.9. Initial and final objects