1. Premiers fondements des mathématiques

1.1. Introduction aux fondements des mathématiques

Mathématiques

Les mathématiques sont l'étude des systèmes d'objets élémentaires, dont la seule nature considérée est d'être exacts, sans ambiguïté (deux objets sont égaux ou différents, reliés ou non ; une opération donne un résultat exactement...). Les mathématiques dans leur ensemble peuvent être vus comme «science de tous les mondes possibles» de cette espèce (faits d'objets exacts).
Les systèmes mathématiques sont conçus comme «existant» indépendamment de notre monde habituel ou de toute sensation particulière, mais leur étude nécessite une certaine forme de représentation. Diverses méthodes peuvent être utilisées, pouvant être équivalentes (donnant les mêmes résultats) mais avec divers degrés de pertinence (efficacité) pouvant dépendre des objectifs. Les idées apparaissent habituellement comme intuitions plus ou moins visuelles exprimables par des figures ou animations, puis leurs articulations peuvent s'exprimer en mots ou formules pour être attentivement vérifiées, traitées et communiquées. Pour se libérer des limites ou biais d'une forme de représentation particulière, il suffit de développer d'autres formes de représentation, et de s'exercer à traduire les concepts d'une forme à l'autre. L'aventure mathématique est pleine de jeux de conversions entre diverses formes de représentation, qui peuvent refléter les articulations entre les systèmes mathématiques eux-mêmes.

Théories

Les mathématiques se divisent en diverses branches suivant le type de système considéré. Ces cadres de tout travail mathématique peuvent rester implicites (avec des limites floues), ou bien être spécifiés formellement en tant que théories. Chaque théorie est l'étude d'un système (son monde d'objets) supposé fixé, appelé son modèle. Mais chaque modèle d'une théorie peut n'être qu'une de ses interprétations possibles, parmi d'autres modèles également légitimes. Par exemple, en gros, toutes les feuilles de papier sont des systèmes de points matériels, modèles de la même théorie de la géométrie Euclidienne plane, mais indépendants les uns des autres.

Le mot «théorie» peut prendre divers sens suivant les utilisations, de celles mathématiques à celles du langage ordinaire et d'autres sciences. Voici d'abord la distinction suivant leur nature (la sorte générale d'objets); l'autre distinction, par l'intention (réalisme contre formalisme), est introduite plus bas et en 1.9.

Les théories non-mathématiques décrivent grossièrement ou qualitativement des systèmes ou aspects du monde (domaines d'observation), qui échappent à la description simple et exacte. Par exemple, les descriptions habituelles de la chimie utilisent des approximations drastiques, rassemblant de grossières descriptions d'effets et de lois d'apparence arbitraires et dont la déduction de la physique quantique est souvent hors de portée des calculs directs. Le manque de distinction claire des objets et de leurs propriétés induit des risques d'erreurs en les approchant et en essayant de déduire certaines propriétés à partir d'autres propriétés, telles que de déduire certaines propriétés globales d'un système à partir de propriétés floues probables de ses parties.

Les théories de mathématiques pures, décrivant des systèmes exacts, peuvent habituellement être protégées du risque d'être «fausses», par l'usage de méthodes rigoureuses (règles formelles) conçues pour préserver la conformité exacte des théories à leurs modèles voulus.

Entre les deux, les théories de mathématiques appliquées, telles que les théories physiques, sont aussi des théories mathématiques, mais les systèmes mathématiques qu'elles décrivent sont conçus comme versions idéalisées (simplifiées) d'aspects de systèmes donnés du monde extérieur, négligeant d'autres aspects; suivant sa précision, cette idéalisation (réduction à des mathématiques) permet également des déductions correctes dans des marges d'erreur acceptées.

Fondements et développements

Toute théorie mathématique, décrivant son/ses modèle(s), est faite d’un contenu et est elle-même décrite par un cadre logique. Le contenu d'une théorie est fait de composants qui sont des éléments de description (concepts et informations, décrits en 1.3). Une théorie démarre par le choix d'un fondement formé d'un cadre logique et d'une version initiale du contenu (de préférence petite ou au moins simplement descriptible). Les composants de cette version initiale sont qualifiés de primitifs.
L'étude de la théorie progresse en choisissant certains de ses développements possibles : de nouveaux composants qui résultent de son contenu actuel (par des règles aussi décrites par le cadre logique), et peuvent lui être ajoutés pour former son contenu suivant. Ces différents contenus, ayant la même signification (décrivant essentiellement les mêmes modèles), jouent le rôle de "présentations différentes de la même théorie". Les autres développements possibles (non encore choisis) pourront toujours être effectués plus tard, car la partie du fondement qui pouvait les engendrer subsiste. Dès lors la totalité des développements possibles d'une théorie, indépendante de l'ordre choisi pour les effectuer, forme déjà une sorte de «réalité» que ces développements explorent.

Pour exprimer les propriétés de ses modèles, chaque théorie comprend une liste d'énoncés qui sont des formules annoncées comme vraies dans chaque modèle où elles sont interprétées. Ses énoncés primitifs sont appelés axiomes. D'autres énoncés appelés théorèmes s'ajoutent au contenu par développement, à la condition qu'ils soient prouvés (déduits) à partir des précédents: ceci garantit qu'ils soient vrais dans tous les modèles, du moment que les précédents l'étaient. Les théorèmes sont alors utilisables dans les développements suivants au même titre que les axiomes. Une théorie est cohérente (ou consistante) si ses théorèmes ne se contrediront jamais. Les théories incohérentes ne peuvent avoir aucun modèle, un même énoncé ne pouvaut être vrai et faux sur un même système. Le théorème de complétude (1.9, 1.10, 4.7) montrera que l'ensemble de tous les théorèmes possibles suit précisément la réalité plus intéressante de quels énoncés restent vrais dans tous les modèles (lesquels existent pour toute théorie cohérente).
Les autres sortes de développements (définitions et constructions) ajoutant d'autres composants au-delà des énoncés, seront décrits en 1.5, 1.D, 4.10 et 4.11.

Il y a des hiérarchies possibles entre théories, certaines pouvant jouer un rôle fondateur pour d'autres. Notamment, les fondements de plusieurs théories peuvent avoir une partie commune formant une théorie plus simple, dont les développements sont applicables à toutes.
Un travail fondamental est de développer, à partir d'une base initiale simple, un corps de connaissances commodes pour servir de "fondement" plus complet, muni d'outils efficaces ouvrant des voies plus directes vers d'autres développements intéressants.

Platonisme vs Formalisme

Les mathématiques, ou chaque théorie, peuvent être abordées de deux manières (détaillées en 1.9). De nombreux philosophes des mathématiques ont des conceptions obsolètes de telles idées comme formant une liste de multiples croyances opposées (vérités candidates) sur la nature réelle des mathématiques. Mais après examen, il ne reste que ces deux approches nécessaires et complémentaires, avec diverses parts de pertinence suivant les sujets:

Par ses capacités limitées, la pensée humaine ne peut pas opérer d'une manière pleinement réaliste sur les systèmes infinis (ou des systèmes finis de taille illimitée), mais nécessite une sorte de logique d'extrapolation, grossièrement équivalente à des raisonnements formels développés à partir de certains fondements; ce travail de formalisation permet d'éviter d'éventuelles erreurs de l'intuition. De plus, les objets mathématiques ne peuvent pas former une totalité achevée, mais seulement un domaine toujours temporaire, en expansion, dont la forme précise est une apparence relative à un choix de formalisation.

Mais au-delà de son incommodité à exprimer les preuves, une vision purement formaliste ne serait pas non plus tenable car la clarté et l’autosuffisance de tout fondement possible (position de départ avec des règles de développement formelles) restent relatives: tout point de départ a dû être choisi plus ou moins arbitrairement, issu de et motivé par une perspective plus large sur les réalités mathématiques; il doit être défini d'une manière intuitive, supposément claire, admettant implicitement son propre fondement, car toute tentative de préciser ce dernier conduirait à une régression sans fin, dont la préexistence réaliste devrait être admise.

Le cycle des fondements

Le fondement général de toutes les mathématiques est lui-même une étude mathématique, donc une branche des mathématiques appelée la logique mathématique. Malgré la simplicité de nature des objets mathématiques, il s'avère assez complexe (quoique moins qu'une théorie du tout de la physique): en décrivant la forme générale des théories et des systèmes qu'elles peuvent décrire, il forme le cadre général de toutes les branches des mathématiques... lui-même inclus. Ainsi fournissant le fondement de chaque fondement considéré (à l'inverse des travaux mathématiques ordinaires avançant à partir d'un fondement admis), il ne forme pas un point de départ précis, mais une vaste boucle composée d'étapes plus ou moins difficiles. Néanmoins, ce cycle joue bien un rôle fondateur pour les mathématiques, fournissant à ses diverses branches de nombreux concepts utiles (outils, rigueur, inspirations et réponses à diverses questions philosophiques).
(Cette situation ressemble au rôle des dictionnaires définissant chaque mot par d'autres mots, ou à cette autre science des systèmes complexes exacts: l'informatique. On peut en effet simplement utiliser les ordinateurs, sachant ce qu'on fait mais non pourquoi cela fonctionne; leur fonctionnement se base sur des logiciels qui furent rédigés dans un certain langage puis compilés par d'autres logiciels, et sur le matériel et le processeur dont la conception et la fabrication furent assistées par ordinateur. Et c'est nettement mieux ainsi qu'à la naissance de cette discipline.)
Il est dominé par deux théories:

Chacune est le cadre naturel pour formaliser l'autre: toute théorie des ensembles se formalise comme théorie décrite par la théorie des modèles; celle-ci vient mieux comme développement de la théorie des ensembles (définissant théories et systèmes comme objets complexes), que directement comme théorie. Ces deux liens doivent être considérés séparément : les deux rôles de la théorie des ensembles, comme cadre et comme objet d'étude pour la théorie des modèles, doivent être distingués. Mais ces formalisations nécessiteront un long travail pour être complétées.

Théorie des ensembles et fondements des mathématiques
1. Premiers fondements des mathématiques
1.1. Introduction aux fondements des mathématiques

1.2. Variables, ensembles, fonctions et opérations
1.3. Forme des théories: notions, objets, méta-objets
1.4. Structures mathématiques
1.5. Expressions et structures définissables
1.6. Connecteurs logiques
1.7. Classes en théorie des ensembles
1.8. Symboles liants
1.9. Axiomes et preuves
1.10. Quantificateurs
1.11. Quantificateurs du 2e ordre
Aspects philosophiques
1.A. Temps en théorie des modèles
1.B. Indéfinissabilité de la vérité
1.C. Théorèmes d'incomplétude
1.D. Le cadre ensembliste unifié
2. Théorie des ensembles - 3. Algèbre
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