Compléments philosophiques

2.A. Temps en théorie des ensembles

L'expansion de l'univers des ensembles

Etant donné deux univers U1, U2, avec U1U2, nous définirons 3 versions différentes du qualificatif que U1 est standard dans U2, aussi dit sous-univers de U2. Nous avons d'abord intuitivement introduit un tel concept en 1.7 comme la préservation des rôles des ensembles et des fonctions; puis en 1.B avec l'autre signification (STF) de la conformité de ℕ, autrement dit celle du concept de finitude (applicable dans tout univers comme mentionné en 1.D).

L'idée générale est que les structures de U1 (l'interprétation considérée des symboles de la théorie des ensembles dans U1 qui en fait un univers) doivent être les restrictions de celles utilisées pour U2. Mais cela dépend de quelles structures il s'agit et comment on définit leurs restrictions. La condition de conservation par restriction de U2 à U1 qu'on précisera dans chaque cas, entraine implicitement d'autres conditions de conservation sur d'autres symboles en vertu des axiomes de la théorie des ensembles sur U2. Toute structure définie à l'aide de seuls symboles de sens conservé est également conservée. Les structures non conservées sont de toute façon déterminées en U1 comme définies à partir de celles de U2 avec le paramètre U1 (comme ensemble ou prédicat unaire). C'est pourquoi U1 n'a besoin d'être spécifié que comme méta-partie ou classe dans U2, gardant ses structures implicites.

Contentons-nous de préciser ce que chaque version de la standardité requiert sur les ensembles (à quoi la diversité des versions est réductible, les conditions sur les fonctions en découlant de la manière essentiellement donnée par le sort de leurs graphes comme ensembles, après avoir défini naturellement la standardité pour des couples). La première structure pour eux est leur classe Set. La condition pour cela est Set1 = Set2U1. Mais, considérant que Set n'est pas vraiment une structure mais seulement une source de classes d'admissiblité pour les structures effectives, cette condition peut être affaiblie en Set1 ⊂ Set2U1 sans affecter essentiellement les 3 principaux degrés de standardité décrits ci-dessous.

La version faible (venant quand le rôle des ensembles est vu comme donné par ∈) est

(ST) : ∈1 = ∈2 ∩ (U1× Set1).

En fait, cette condition suffira à impliquer (STF) une fois adopté l'axiome de fondation pour U2 et d'autres conditions raisonnables qui seront détaillées plus loin. Sinon, cela doit être ajouté comme exigence dans le concept de standardité, sous la forme ℕ1 = ℕ2 (si l'axiome de l'infini est adopté dans les deux) ou de toute façon en termes de la classe Fin des ensembles finis comme Fin1 ⊂ Fin2 qui équivaut à Fin1 = Fin2 ∩ Set1 (pour des raisons un peu subtiles).

La version intermédiaire (mentionnée en 1.7: chaque ensemble coïncide avec le méta-ensemble des mêmes éléments) est

(ST') : ∈1 = ∈2 ∩ (U2× Set1) ⊂ U1× Set1

exprimant que chaque ensemble dans U1 est interprété par U2 comme inclus dans U1. Cela implique la préservation des quantificateurs bornés (si la sous-formule garde ses valeurs, à savoir n'utilise pas ℘) et de tout opérateur donnant un ensemble déterminé par la donnée de ses éléments, à savoir les opérateurs donnés par le principe de génération des ensembles. Des constructions spéciales existent (comme celles de l'analyse non standard) de sous-univers ne satisfaisant pas cette condition et conservant néanmoins les quantificateurs bornés sur les formules avec paramètres dans U1; mais l'équivalence tient avec la conservation des quantificateurs bornés sur des formules avec paramètres dans U2 (comme on verra avec la justification du principe de génération des ensembles en 2.B).

La version forte de la standardité requiert également la conservation du symbole d'ensemble des parties ℘ (2.7):

(STP) : ℘1 = ℘2|Set1

Cette condition supplémentaire peut également s'écrire sans utilisation explicite de ℘ comme

(ST") : (ST) ∧ ∀E∈Set1, ∀F∈Set2, F2 EF ∈ Set1

Ces conditions sont liées par (ST") ⇔ ((ST') ∧ (STP)) ⇒ (STF).
En effet, (STF) vient du fait que la finitude est définissable au moyen de ℘ (indépendamment de toute hypothèse supplémentaire qui était nécessaire avec le simple (ST)); cela peut aussi se voir en considérant que l'arithmétique est spécifiée comme théorie du second ordre, fidèlement interprétable en théorie des ensembles avec ℘.
L'indépendance de l'axiome de choix (commenté plus en détail en 5.5) et d'autres énoncés utilisant ℘, s'explique en gros par la possibilité de construire des univers qui ne préservent pas la signification essentielle de ℘. Suivant des raisons de commodité, une de ces constructions satisfait (ST '); d'autres peuvent satisfaire (ST) ∧ (STP) mais pas (ST') tandis que des copies (ST')-standard de leurs résultats existent également.

Les univers idéalement standard

Pour 3 univers U1U2U3U2 est standard dans U3,

(U1 est standard dans U2) ⇔ (U1 est standard dans U3).

D'où l'idée de considérer le caractère standard d'un univers comme une propriété absolue, indépendante de l'univers externe dans lequel il est décrit ... à condition que cet univers externe soit lui-même standard. Ceci ne définit pas formellement le caractère standard comme concept absolu (ce qui est impossible), mais suggère qu'un tel concept aurait un sens idéal.

Un sous-univers U1 de U2 sera qualifié de petit s'il y est vu comme un ensemble. Cela peut s'écrire U1 ∈ Set2 si U2 est lui-même (ST')-standard, sinon ∃X∈Set2, U1 = ∈2(X).

Pour compléter le concept d'univers idéalement standard, supposons que deux quelconques univers standard sont de petits sous-univers d'un troisième.

Cet idéal est très raisonnable pour (ST) et (ST'); mais pour (ST") c'est un peu plus osé. Comme première raison, on peut arguer philosophiquement que n'importe quel univers (standard ou non) peut être pris comme un petit sous-univers d'un autre au sens (ST'), mais pas toujours au sens (ST") car le voir comme un ensemble peut fournir des moyens de définir d'autres parties d'ensembles donnés. En particulier, tout univers (ST")-standard étant un petit sous-univers (ST") d'un autre, cela implique son respect du schéma de compréhension.

L'approche réaliste de la théorie des ensembles

Nous supposerons dorénavant une version fixe du concept d'univers standard ou sous-univers, à savoir soit (ST') avec une théorie des ensembles sans ℘, soit (ST") avec une théorie des ensembles avec ℘. Dans chaque cas, toutes les expressions bornées gardent les mêmes valeurs d'un univers standard à un autre, ainsi appelées leurs valeurs standard.

Les concepts ci-dessus fournissent une signification réaliste à la théorie des ensembles :

Dans la section suivante (2.B), la reconnaissance de l'idéal (ST") apparaîtra philosophiquement équivalente au réalisme d'admettre ℘ en théorie des ensembles.

Formalisons certains aspects de la pluralité des univers standards que la théorie des ensembles entend décrire dans sa vision réaliste.

Multivers standard

Appelons multivers quasi-standard (resp. multivers standard) toute collection (domaine de variation) d'univers (resp. univers standards), où 2 quelconques d'entre eux sont des petits sous-univers d'un troisième. Exigeons qu'il contienne également tous les sous-univers de ses membres, une qualité facile à réaliser, prenant un multivers ne la satisfant pas et y ajoutant tous ces sous-univers. On dira que l'univers des ensembles s'étend, lorsqu'il parcourt un multivers standard.

Pour tout multivers quasi-standard M, son union U=⋃M forme un autre univers contenant tous les membres de M comme petits sous-univers. Alors pour toute expression avec des valeurs de ses variables libres dans U il existe un UM contenant ces valeurs, et donc capable d'interpréter l'expression. Cette interprétation étant indépendante du choix de U, définit celle de U. Ainsi,

(M est un multivers standard) ⇔ (l'univers U est standard).

Mais U ne peut pas appartenir à M, car M n'a pas de plus grand élément. Donc, aucun multivers standard particulier ne peut jamais contenir tous les univers standard.
Pour un multivers (ST")-quasi-standard, garder dans U le même ensemble des parties d'un ensemble donné que dans les univers membres, peut mettre en défaut le schéma de remplacement dans U. Voici un autre aspect du postulat attaché au concept d'univers idéalement (ST")-standard: qu'avec les multivers (ST")-standard, ce défaut ne se produit jamais.

Un ensemble peut-il appartenir à lui-même ?

Un ensemble sera dit réflexif s'il appartient à lui-même.
Par la preuve du paradoxe de Russell [1.8], la classe (Set(x) ∧ xx) des ensembles non-réflexifs ne peut pas être un ensemble (n'étant inclus dans aucun ensemble). Ainsi beaucoup d'ensembles ne sont pas réflexifs ; mais des ensembles réflexifs peuvent-ils exister ? Ceci est indécidable; voici pourquoi.

De tout univers U avec une classe non vide X d'ensembles réflexifs, un autre univers n'en contenant aucun peut s'obtenir par 2 méthodes différentes Par ailleurs, des univers contenant des ensembles réflexifs peuvent être produits comme suit:

Devinette: quelle est la différence entre
Réponse: (cliquer pour voir) : Le rôle de l'ensemble contenant x mais non y, joué par y dans le premier univers, est joué par x dans le second.

L'axiome de fondation, introduit en 5.3, impliquera l'absence d'ensembles réflexifs comme cas particulier; son indécidabilité se démontre de manière essentiellement similaire aux arguments ci-dessus. Mais le plus souvent, cet axiome est aussi inutile que les ensembles qu'il exclut.

Théorie des ensembles et fondements des mathématiques
1. Premiers fondements des mathématiques
2. Théorie des ensembles
2.1. Premiers axiomes de théorie des ensembles
2.2. Principe de génération des ensembles
2.3. Curryfication et uplets
2.4. Quantificateurs d'unicité
2.5. Familles, opérateurs booléens sur les ensembles
2.6. Graphes
2.7. Produits et ensembles des parties
2.8. Injections, bijections
2.9. Propriétés des relations binaires
2.10. Axiome du choix
2.A. Temps en théorie des ensembles
2.B. Interprétation des classes

2.C. Concepts de vérité en mathématiques
3. Algebra - 4. Arithmetic - 5. Second-order foundations

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EN : 1. First foundations of mathematics : Time in Set theory