1.D. La théorie des ensembles comme cadre unifié

Définisseurs de structure dans diverses théories

Appelons définisseur de structure tout symbole liant B qui enregistre fidèlement la structure unaire (relation, resp. fonction) définie par toute expression entrée (formule, resp. terme) A sur un domaine E (type, classe ou ensemble ici fixé), à savoir que son résultat S = (Bx, A(x)) peut restaurer cette structure par un évaluateur V (symbole ou expression): E x, V(S, x) = A(x).
Admettant l'utilisation de la négation et la possibilité d'interpréter des booléens par des objets (dans un ensemble à au moins deux objets, comme cela arrive souvent), le paradoxe de Russell montre que l'ajout des deux exigences suivantes à un définisseur de structure dans une théorie conduirait à une contradiction:
  1. Tous ces S appartiennent à E
  2. V peut apparaître dans l'expression A et utiliser x n'importe comment dans ses arguments. Donc V(x, x) est autorisé, ce qui est normal comme 1. garantit l'admissibilité de tout V(S, S).
Enumérons les options restantes. La théorie des ensembles rejette 1. mais conserve 2. Mais puisque 1. est rejeté, conserver 2. peut être un problème ou non suivant les cas plus précis.

Dans la construction (1.5) d'un type K de structures défini par une formule A, un symbole liant de domaine K abrège une utilisation successive de symboles liants sur tous les paramètres de A. Ici, A et le modèle l’interprétant viennent d'abord, puis l'ensemble K de structures avec son évaluateur V sont créés en dehors: A n'a pas de sous-terme de type K, donc n'utilise pas V.

La notion de structure dans 1MT (théorie du modèle en logique du premier ordre), présente cette similitude avec la notion d'ensemble en théorie des ensembles: dans 1MT, la classe de toutes les structures de chaque type de symbole fixé (au-delà des constantes) n'est généralement pas un ensemble, appelant "ensembles" de tels ensembles K (de celles définies par une expression fixe avec des paramètres variables), et leurs sous-ensembles.
Cette similitude peut se formaliser en regroupant tous ces K du même type de symbole (construits pour toutes les expressions possibles A) en un seul type U, avec le même évaluateur V (ces A peuvent utiliser V mais pas le domaine U). Cette fusion d'une infinité d'ensembles en un ne fait que réécrire ce qu'on pouvait déjà faire sans cela, tant que les variables de type U ne sont liées que sur un de ces "ensembles" K (ou de façon équivalente un ensemble couvert par un nombre fini d'entre eux).

En théorie des ensembles, les domaines des symboles liants sont les ensembles. Ainsi, au-delà de l'avantage simplificateur de supprimer les types, la théorie des ensembles gagnera de la puissance par ses axiomes renforçants qui reviennent à accepter plus de classes comme ensembles.

D'autres théories, que nous ignorerons dans la suite de ce travail, suivent des options plus audacieuses:

Le cadre unifié des théories

Comme l'arithmétique (et autres FOT), formaliser TT ou tout 1TT en tant que théorie complète, requiert un axiome de second ordre pour exclure les modèles non-standard avec des «expressions» et «preuves» pseudo-finies. Or, le meilleur environnement pour de telles théories du second ordre (donnant une apparence de détermination unique, non réelle), et aussi pour MT ou 1MT, est l'insertion dans une version suffisamment forte de la théorie des ensembles (qui peut définir la finitude: voir 4.6). Cette insertion transformant les composants en variables libres qui ensemble désignent le modèle, leur variabilité élimine la principale différence entre TT et 1TT, et entre MT et 1MT (une autre différence est que MT peut décrire des théories incohérentes). Ce développement de la théorie des modèles à partir d'une version suffisamment forte de la théorie des ensembles viendra dans les parties 3 et 4, complétant le grand tour des fondements des mathématiques après la formalisation de la théorie des ensembles (principalement par les parties 1 et 2).

Pour une théorie T ainsi décrite, soit T0 la théorie externe, également insérée en théorie des ensembles, qui ressemble à une copie de T comme tout composant k de T0 a une copie comme objet servant de composant de T. Dans une formalisation appropriée, T0 peut être défini à partir de T comme formé des k tel que Univers⊨ ⌜k⌝∈T, ce qui signifie que la valeur de la citation ⌜k⌝ interprétée dans l'univers, appartient à T.
Mais il n'y a pas de définition inverse générale, de T à partir d'un T0 avec une infinité de composants, car un objet ne peut pas être défini à partir d'une infinité donnée de méta-objets. Toute liste infinie de composants de T0 doit répondre à une définition, pour obtenir l'image idéalisée T de T0 en interprétant cette définition dans l'univers. (La formule de définition doit être bornée pour que T0 corresponde à la définition ci-dessus par ce T).

Ceci forme un cadre commode pour décrire les théories et leurs modèles, unifiant les deux cadres précédents (ensembliste et modèle-théorique): tous les travaux de T0 (expressions, preuves et autres développements), ont des copies comme objets (en interprétant leurs citations) décrits formellement par le développement modèle-théorique de la théorie des ensembles comme travaux de la théorie T. Dans le même univers, tout système M décrit comme modèle de T est indirectement aussi un modèle (ensembliste) de T0.
Mais en tant que théorie du premier ordre, la théorie des ensembles ne peut pas exclure les univers non standard, dont l'interprétation des FOT est non standard (avec des objets pseudo-finis). Dedans, les discordances suivantes entre T0 et T peuvent se produire: Ainsi comprises, les conditions de validité de ce cadre unifié sont habituellement acceptées comme des hypothèses légitimes, en se concentrant sur des théories bien décrites, interprétées dans des univers standard dont l'existence est admise pour des raisons philosophiques.

La théorie des ensembles comme cadre unifié d'elle-même

L'application de ce cadre unifié au choix d'une théorie des ensembles dans le rôle de T0 (décrivant M et idéalisée comme objet T) élargit les outils d'interprétation de la théorie des ensembles dans elle-même (1.7). Comme T0 coexiste au même niveau avec la théorie des ensembles servant de cadre, on peut les prendre comme copies exactes l'une de l'autre (sans problème de standardité), ce qui revient à prendre la même théorie des ensembles avec deux interprétations: M appelé "univers", et l'interprétation cadre appelée "méta-univers ".
Mais le second théorème d'incomplétude les fait différer comme suit. L'énoncé d'existence d'un univers d'une théorie des ensembles donnée T (et donc aussi l'énoncé plus fort de l'existence d'un univers standard), exprimé comme énoncé ensembliste interprété dans le méta-univers, ne peut pas être un théorème de T. Cela montre la nécessaire diversité des forces entre les théories axiomatiques des ensembles utiles, qui sera commentée plus en détail en 2.C.

Le paradoxe de Zénon

Achille poursuit une tortue ; à chaque fois qu'il parcourt la distance qui l'en sépare, celle-ci prend une nouvelle longueur d'avance.
Vu d'une hauteur, un véhicule parti sur une route horizontale se rapproche sans cesse de l'horizon.
Les particules sont envoyées dans les accélérateurs de plus en plus près de la vitesse de la lumière.
Peuvent-ils atteindre leur but ?
Chaque exemple peut être vu de 2 manières: Dans chaque exemple, une mesure physique du «coût» pour approcher et éventuellement atteindre l'extrémité visée, décide quelle est sa seule «vraie» lecture, suivant que ce coût serait fini ou infini (ce qui peut différer des suppositions d'un observateur naïf).
Mais le monde des mathématiques, libre de toute mesure de coût physique et où les objets ne font que jouer des rôles conventionnels, peut accepter les 2 points de vue.

Chaque théorie générique pouvant utiliser des symboles liants sur des types, elle considère les types comme des ensembles et «atteint la fin» de son modèle qu'elle voit comme un tout «fermé». Mais tout cadre qui l'englobe (théorie du modèle ou théorie des ensembles) échappe à cette totalité. Or, la théorie des ensembles a de multiples modèles, d'un univers à un méta-univers (contenant plus d'ensembles: les méta-ensembles, et de nouvelles fonctions entre eux) et ainsi de suite (un méta-méta-univers ...). Pour refléter les possibilités illimitées d'échapper à tout univers donné, on a besoin d'une théorie «ouverte» intégrant chaque univers comme partie (passée) d'un univers ultérieur, formant une succession illimitée de réalités croissantes, sans perspective sur son éventuelle totalité. Ce rôle de théorie ouverte sera joué par la théorie des ensembles elle-même, par la manière dont ses expressions ne lient les variables que sur des ensembles.

Théorie des ensembles et fondements des mathématiques
1. Premiers fondements des mathématiques
1.1. Introduction au fondement des mathématiques
1.2. Variables, ensembles, fonctions et opérations
1.3. Forme des théories
1.4. Structures mathématiques
1.5. Expressions et structures définissables
1.6. Connecteurs
1.7. Classes en théorie des ensembles
1.8. Symboles liants
1.9. Axiomes et preuves
1.10. Quantificateurs
1.11. Quantificateurs du 2e ordre
Aspects philosophiques
1.A. Temps en théorie des modèles
1.B. Indéfinissabilité de la vérité
1.C. Théorèmes d'incomplétude
1.D. Le cadre ensembliste unifié
2. Théorie des ensembles - 3. Algèbre

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EN : 1. First foundations of mathematics : 1.D. Set theory as a unified framework